02/04/2017 10:00
 
 
 
Le lendemain, nouvelle visite avec Rafael et Renato. Nous allons aux « Tres Alamos », l’ancien camp de concentration où ils étaient compagnons de cellule. Aucun de nous n’est renseigné sur ce qu’est devenu le bâtiment. Arrivés sur place, nous découvrons un centre de détention pour mineurs.
Le psychologue accompagnant les détenus nous croise sur le point de partir. Son frère aussi a été incarcéré aux Tres Alamos : solidaire, il décide de nous introduire discrètement au sous-sol et improvise une visite.
« On a une histoire compliquée », explique Rafael. « Il y a un musée de la mémoire à Santiago, mais on voudrait pouvoir ouvrir plus de lieux de commémoration. Jusqu’à l’année dernière, on ne pouvait même pas utiliser le mot "torture" au Chili. Le mot officiel était "demande illégitime". » 
« En tout cas », dit Renato, « je me souviens qu’aux Tres Alamos, on avait des surnoms débiles. Moi j’étais "el telefono", parce que je parlais tout le temps. Quand Cococho s’est fait un poncho blanc avec sa couverture, on voyait juste son visage rose dépasser, alors on l’a appelé "Chancho con puré" (Cochon purée). Il y en avait un autre qui boitait sur le côté, lui c’était "Trompe carrelage". Bref, on rigolait bien, heureusement. L’humour et la solidarité, c’est ce qui nous a sauvés.»
 
Le monde est terrible mais je n’en connais pas de meilleur.
Ingeborg ­Bachmann